"Savannah, Savannah rentre tout de suite à la maison!" Pesta la femme qui tenait un bébé dans ses bras à l'égard de sa fille, alors âgée de 4 ans. La petite blonde ne réagit absolument pas, et continuait à courir après les bulles qu'elle fabriquait avec son nouveau jouet. Résignée, sa mère reprit. "Zeppelin, maintenant, tu rentres tout de suite!" Suivant du regard sa petite tête blonde qui revenait vers elle, Rose souffla. A seulement quatre ans, sa fille avait décidé qu'elle se ne répondrait plus à son prénom, Savannah, mais seulement à Zeppelin. Tout ça parce que son grand père la surnommait de la sorte. Rose savait déjà, au fond d'elle, que sa fille ainée ne reprendrait jamais le flambeau de l'entreprise familiale.

Et au plus les mois, puis les années passaient, au plus Rose était confortée dans son pressentiment. Pratiquement plus aucune trace de Savannah désormais effacée par Zeppelin. Ce n'était qu'un prénom me direz vous? Eh bien n'en soyez pas si surs. Quand on fait partie de l'une des plus influentes et riches familles de la ville, on s'attend à ce que son enfant suive l'éducation irréprochable qu'on lui a donné, même à la Nouvelle Orleans. Pour la petite Carmichael, cela a commencé par ne plus vouloir de son prénom, une sorte de phase selon le psychiatre que ses parents s'étaient dépêchés de voir. Mais au lieu de durer quelques semaines, les caprices de Savannah pour imposer ce qu'elle voulait, et qui était à l'exact opposé de ce que ses parents attendaient d'elle devinrent de plus en plus fréquents. Quels parents laisseraient leur enfant les mener à la baguette, et faire ce qu'il veut? Le genre de parent qui pense que l'enfant en question à un problème, et que leur manière de l'élever est parfaite. Car Rose et Henry se sont vite rendus à ce qui pour eux, était une évidence. Si Samuel était "normal" alors que ce n'était pas le cas de leur fille, alors le problème venait forcément d'elle. Même si la petite fille ne manquait pas d'amour, elle se rendait bien compte qu'elle était plus une honte qu'une fierté pour ses parents.

Si bien qu'à l'adolescence, Zeppelin leur mena la vie extrêmement dure. Elle faisait tout pour se faire remarquer, et creuser le fossé qui s'était peu à peu installé entre sa famille et elle. Fêtes, alcool, sexe, la jeune fille s'essaya même aux drogues, mais cela ne dura pas. Son côté festif et extravagant, lui, ne fit que se développer. Tout comme son côté bagarreur et garçon manqué. Dès que le week-end arrivait, elle partait chez son grand père, à Port Hudson. Elle travaillait avec lui au garage qui lui appartenait alors, même après avoir lâché les rênes de l'entreprise et malgré tout l'argent qu'il avait amassé, Jonathan travaillait encore. Avec lui, la jeune fille était libre d'être Zeppelin, et de rentrer à trois heures du matin si cela lui chantait. Son grand père était extrêmement important pour elle. Plus même que ses snobinards de parents qui ne pensaient au final qu'à l'apparence, et qui se débrouillaient toujours pour l'envoyer hors de la ville lorsqu'ils avaient une soirée mondaine ou un autre évènement qu'ils qualifieraient d'important.

Le jour de la remise des diplômes, la jeune fille quitta la maison. Cela faisait des semaines qu'elle préparait son coup. Toutes ses affaires étaient emballées, il lui avait suffit de rentrer chez elle, de tout mettre dans la vielle Mustang que son grand père lui avait offerte, de laisser une lettre à ses parents et à son frère, ainsi que les clés du 4x4 hors de prix et qu'elle détestait, et de partir. Sans se retourner, et pour ne jamais revenir.

Voilà donc comment une jeune fille de 18 ans, à peine sortie du lycée, s'était retrouvée à Port Hudson. Son grand père et ses parents finirent par se mettre d'accord, et elle put s'installer dans la demeure de son grand père, à condition qu'elle se trouve un travail. Il était hors de question qu'elle vive sur les acquis de sa famille. C'est ainsi qu'à force de harceler tous les commerçants de la ville, Zeppelin finit par décrocher un poste de caissière à l'épicerie. Mais elle, ce qu'elle voulait, c'était travailler au Wendigo. Seulement il lui fallait attendre 21 ans pour pouvoir servir de l'alcool, et le patron ne plaisantait pas la dessus. Dès qu'elle ne travaillait pas, la jeune fille allait au garage, et travaillait sur sa voiture, si bien qu'en moins d'un an, ce qui fut un vieux tas de ferraille devint un vrai bijou de collection. Ses parents ne venaient pas la voir, ils ne l'appelaient pas non plus, ils prenaient juste de ses nouvelles par le biais de son grand père. Mais la jeune fille s'en contentait. Son grand père était sa famille, elle s'était fait des amis, ici, à Port Hudson, et cela lui allait très bien comme ça.

A 21 ans enfin, elle fut engagée comme barmaid au Wendigo. Et même si ses débuts furent laborieux, notamment avec une collègue peu coopérative qui estimait qu'une fille de bourges n'avait rien à faire ici, elle trouva vite sa place, et sut que même si pour la plupart des membres de sa famille, ce qu'elle faisait était dégradant, elle se trouvait là où elle devait être. Son grand père, qui voulait enfin profiter de ses dernières années, vendit le garage, et se consacra à un passe temps bien plus reposant, la pêche.

Zeppelin avait une vie qu'elle qualifierait de parfaite. Assez d'argent pour ne jamais en manquer, un travail qui lui plaisait, un grand père qu'elle adorait, des amis, quelques aventures mais rien de bien sérieux pour une jeune femme qui n'avait que le mot papillonner en tête, bref, tout allait bien dans le meilleur des mondes.

Mais tout bascula, une nuit de juillet 2009. En rentrant du Wendigo, vers deux heures du matin, la jeune fille entendit du bruit dans le jardin. Casse cou mais pas suicidaire, elle entra dans la maison et prit la peine de tout fermer derrière elle, ce qui n'arrivait quasiment jamais. Son grand père s'était endormi devant la télévision, et elle était en train de lui mettre une couverture lorsque la porte céda dans un grand bruit. La jeune fille n'eut pas le temps de se retourner qu'elle se retrouva projetée à plusieurs mètres de là, perdant connaissance par la même occasion. Elle reprit conscience à l'hôpital, et le soleil était déjà haut dans le ciel. Elle avait mal, et son cou portait un gros bandage. Affolée, elle appela à l'aide, et une infirmière arriva. "Que s'est il passé? Où suis je?"
"Vous avez été attaquée Mademoiselle Carmichael, et vous êtes à l'hôpital. Vous ne vous souvenez de rien?"
"Non. Où est mon grand père?" Où est il?"
"Il n'a pas eu la même chance que vous mademoiselle, il est décédé. Il y a deux jours de cela."
Elle et son grand père avaient été attaqués, son grand père était mort, et elle était restée deux jours sans se réveiller. Une fureur sans nom et inconnue s'empara d'elle, si bien que les médecins durent la mettre sous sédatifs avant qu'elle ne blesse quelqu'un. Pour une convalescente, elle avait beaucoup de force.

Deux jours plus tard, lors de l'enterrement de son grand père, elle fit face avec dignité à ses parents qu'elle n'avait pas vu depuis cinq ans maintenant. Elle se doutait bien qu'ils n'étaient venus que pour la lecture du testament, mais fut agréablement surprise de l'attitude de son frère, prévenant envers elle. Zeppelin n'arrivait toujours pas à y croire, et à vrai dire, tous les habitants de Port Hudson présents ce jour là non plus. Jonathan était un homme très apprécié dans le coin, ce qui eut l'air de surprendre son fils et sa belle fille. La lecture du testament eut lieu le jour même, et Henry repartit avec ce qui l'intéressait, à savoir l'intégralité de l'entreprise et de quoi s'enrichir jusqu'à la fin de ses jours. Zeppelin, elle, obtint tout le reste. La maison, l'argent qu'il restait à son grand père, et sa minuscule barque dont il se servait pour aller pêcher.

Après plus d'une semaine restée cloitrée chez elle, la jeune fille se reprit en main, et reprit le cours de sa vie. Un mois après l'attaque dont elle et son grand père avaient été victimes, elle se réveilla nue, dans les bois, ensanglantée et entourée de cadavres d'animaux, sans aucun souvenir de la nuit précédente. C'est alors qu'elle se rappela des légendes urbaines, et qu'elle comprit qu'elle était devenue un loup garou. Elle contacta une vieille femme qui faisait du vaudou, laquelle lui confirma ses soupçons, mais insista sur le fait qu'elle n'avait pas de sang sur les mains pour l'instant. Elle lui dit aussi tout ce qu'il y avait à savoir sur ce qu'elle était devenue. C'était flippant. Intense, mais flippant.

Zeppelin se procura donc d'énormes chaines en argent pour pouvoir s'empêcher de commettre l'irréparable. Mais elle ne reniait pas sa nouvelle nature pour autant, elle voulait plutôt l'apprivoiser. Dès qu'elle avait suffisamment de temps libre, elle partait assez loin dans la forêt et se transformait, même si la douleur provoquée par les premières transformations surtout, lui donnait envie de mourir. Elle apprenait donc petit à petit à vivre avec ce qu'elle était devenue, ce monstre qui dès que la lune était pleine, devenait incontrôlable. Après dix mois d'attaque durant lesquels son créateur, si on puis dire, ne fit plus aucun survivant, les attaques cessèrent. Soit il était parti, et lorsqu'il reviendrait, Zeppelin serait prête à l'affronter pour ce qu'il avait fait à son grand père, soit il était mort, et au moins son grand père était en paix. Elle se faisait tout doucement à ce qu'elle était devenue quand une nouvelle encore plus étonnante fit trembler le monde entier.

Si elle était un loup garou, les vampires existaient, et réclamaient des droits. En l'espace d'une année, Zep' était passé d'un mode parfaitement normal à une série pour adolescents. Peut être y avait il des fées et pourquoi pas des lutins tant qu'on y était. La jeune fille était partagée sur la question des vampires. Si, comme pour les loups garous, des accidents pouvaient arriver, elle ne tolérait pas les vampires sanguinaires qui tuaient pour le plaisir. Néanmoins, elle n'avait aucun problème à ce qu'ils vivent parmi eux, d'autant plus qu'eux avaient eu le courage de se révéler au grand jour, ce qui n'était pas son cas. Mais déjà que la population vivait très mal le fait d'être entourés de vampires, ce serait une traque assurée si les loups faisaient leur coming out. Non, elle était décidément bien mieux dans l'ombre, à ne pas trop se mêler des débats tournant autour des vampires.

Aujourd'hui Zep' apprend à vivre dans ce monde de la nuit qui est devenu le sien, elle essaye aussi de survivre car elle sait que si elle est démasquée, elle ne fera pas long feu. Voilà que depuis quelques le loup qui a tué son grand père est de retour en Louisiane, mais cette fois ci, il n'est pas venu seul. Un chasseur est à ses trousses, et la jeune fille sait qu'il faut qu'elle soit prudente. Si la plupart du temps elle reste la jeune femme insouciante et fêtarde qu'elle a toujours été, elle fait preuve d'une prudence et d'une organisation sans faille lorsque la pleine lune approche.